
EXPOSITION: L'IMAGINAIRE
du 05 août au 29 octobre 2023
Ceci n’est pas une boîte à souvenirs
« La peinture pense. Comment ? C’est une question infernale. Peut-être inabordable pour la pensée », Georges Didi-Huberman
Une boîte accueille quelques fois des trames mémorielles éparses. Débris de souvenirs, bouts d’histoires enfouies, choses filantes, et fantomatiques, une boîte panse souvent le travail de l’oubli en habillant l’imaginaire du sceau de l’après-vivre[1] -nachleben -. Elle convoque le spectre de la mémoire pour interroger l’hétérogénéité des temps qui la fonde. Une boîte c’est l’antre de l’immobilité des choses, une gageure où vienne s’inviter la lésine des fantômes, et autres monstres. Elle sait danser avec candeur sur les lignes mnémoniques, telle une funambule avide de mettre en crise les facettes du connu, et du perçu. Une boîte c’est surtout un espace lyrique de modelage des forces, un Un dans un Multiple fait de bruits diffuses. Au fond de cet abysse subsiste des images, des êtres amorphes, et inertes qui pensent dans l’ombre du geste créatif un devenir avenant. La mémoire se complait alors dans un exercice de redondance qui voit Argos[2], et Hypnos[3] se livrer à une joute candide. Le passé se vêt d’une singulière toilette pour transiter entre le rêve, et l’éveil.
Et Rafiy Okefolahan dit ne point vouloir oublier ces sonorités, ces rites, ces passages de corps en mouvement, ces morphologies enivrantes immaculées de couleurs qui parcouraient les ruelles de sa ville natale, Porto-Novo. Ces instants de vie dont il ne connaissait guère la portée symbolique ont trouvé pénates dans un terreau de questionnements psychiques. L’enfant qu’il a été, s’est mué en un fantôme qui survit à l’homme qu’il est devenu. Et ne point vouloir oublier des gestes, ou des traumas fondateurs participera vivement à son acte de création ; moments de tension, et de transcendance qui livrent la main qui crée à la folle du logis, à l’imagination. Et à cette échelle, ce n’est pas un esclandre de la tromperie qui s’opère car l’imagination fille de la farce chez le philosophe Alain Emile-Chartier ne travaille pas à déstructurer ex nihilo les corps, les visages, et les bruits que capte Rafiy Okefolahan. Ce sont plutôt des pathos formels qui en découlent, des saisies de la vie en mouvement, et des portraits drus, abrupts teintés d’une maïeutique plastique. « Voilà : tu penses à des représentations en cet instant même. Mauvais signe. Si tu veux dépeindre une scène, oublie-la pour le moment. Je suis là. Ne pense qu’à ça. À moi ».
Le solo show « L’imaginaire » ne dévoile d’une lecture kaléidoscopique d’une mémoire innocente, et un dispositif narratif on ne peut plus prégnant. Les envers de la mémoire d’un enfant mis au ban d’une altérité temporelle : que sont-ils devenues, ces choses vues, reçues, et restées ? Cette exposition se veut aussi un parcours initiatique, et une installation de natures mortes, et d’autoportraits. Autoportraits pour ce que portent ces visages, les habits dont ils se vêtent, pour le miroir qu’ils veulent être, et leurs yeux grands ouverts sur les prisons mémorielles. Et ce n’est surtout pas d’une boîte à souvenirs dont traite cette exposition mais d’une fiction imprégnée du Spleen. Car c’est de la tristesse de ce qui n’est plus que naît ce qui surviendra. Et qu’arrive-t-il à la création quand le geste formel besogne à esthétiser la vie en mouvement ? C’est une question posée ou une piste de réflexion arrimée aux œuvres en monstration.
Coffi Adjaï
